Lélia Demoisy : “J’essaie d’aborder le rapport à la nature d’une façon sensible et individuelle”
Lélia Demoisy est une artiste plasticienne qui mixe des matières du monde vivant à d’autres, inanimées, fruit du travail humain. Ce mélange étonne le public et l’amène à s’interroger sur sa relation à la nature.
Il y a quelques mois vous avez participé à la 12e édition du Prix Icart Artistik Rezo et vous allez exposer vos œuvres au MAC en novembre 2020. Pourriez-vous nous exposer votre parcours ?
J’ai fait l’École des Arts Décoratifs de Paris, j’ai une formation de scénographe à la base. En 2016 j’ai reçu une bourse pour jeunes talents de la fondation Mécènes & Loire et à partir de ce moment-là j’ai décidé que je voulais centrer mon travail autour de la sculpture.
Pourquoi avez-vous choisi la sculpture comme médium principal ?
Avec la sculpture les pièces « vivent » en elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de textes ou d’acteurs extérieurs pour en découler. Cependant, je fais aussi de l’installation, pour certaines en partenariat avec des paysagistes pour travailler vraiment avec le végétal et je commence à aborder des œuvres sur papier.
Quelle est votre démarche artistique ?
Tout mon travail s’articule autour de notre relation à la nature mais dans un cas très individuel donc il n’y a pas forcément de lien entre notre société et son environnement ou l’écologie. En fait, je travaille vraiment dans un rapport de corps à corps : le nôtre et celui de la pièce que je crée. Les matières que je choisis sont très importantes car elles entrent en dialogue avec notre propre corps.
Une sculpture, on l’éprouve avec son équilibre, son poids, son touché, de manière très instinctive. J’essaie de remettre en lumière ce dialogue direct qu’il y a entre le corps et la pièce que je crée. Avec mon travail, j’essaie d’aborder le rapport à la nature d’une façon sensible et individuelle.
Je travaille beaucoup par mixage des matières, cela permet de les redéfinir singulièrement. Elles vont interférer les unes sur les autres et cela crée de formes hybrides, des pièces qui sont, d’une certaine façon, à la limite du vivant. En même temps, en les regardant, on est capable de reconnaître les origines de chaque matière.
C’est exactement ce que montre votre œuvre Chrysalide : les “taches” argentées suscitent une sorte d’aliénation chez le spectateur.
Pour réaliser cette pièce j’ai rassemblé des écailles de pommes de pin pour créer une forme qui est à la limite entre la chrysalide, un objet d’origine animale, et la pomme de pin qu’on pourrait comparer à une chrysalide mais dans le monde végétal. J’ai élaboré cette pièce hybride entre les deux, avec certaines écailles qui sont couvertes en feuilles d’argent justement pour créer une petite anomalie.
Vous croyez que le rapport entre l’homme et la nature est destiné à être conflictuel ou, au contraire, il est possible de trouver un point commun ?
Le rapport à la nature est multiple et il change même au cours d’une journée, d’une heure ; moi je cherche une espèce de rapport immédiat. La première fois que j’ai abordé ce sujet c’était dans le cadre d’un travail personnel qui concernait l’idée de fusion avec la nature. J’avais fait cette étude par le biais de la littérature et du cinéma et après, par une expérience d’immersion au Canada.
Tout cela a complètement nourri mon travail ; à présent j’essaie de couper le tout sans forcément arriver à une conclusion et à un résultat. Le rapport entre homme et nature peut, en effet, être conflictuel mais il peut aussi accéder à des moments très fugaces de forte intimité avec le monde et avec les autres formes de vie qui nous entourent. J’essaie de retransmettre ces moments qui je trouve très précieux.
Quels sont vos projets pour le futur ?
J’ai plusieurs expositions de prévues qui ont été reportées à cause de la crise sanitaire. Pour l’instant, je profite du confinement pour réaliser de nouvelles pièces et explorer de nouveaux médiums dont le travail sur papier et des pièces grand format.
Plus d’informations sur Lélia Démoisy : Site internet de Lélia Demoisy
Propos recueillis par Violagemma Migliorini
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